25-03-15 Jean-Marc SERELLE

25-03-15 Jean-Marc SERELLE

Tout commence en 1974. J’ai 19 ans, je suis ouvrier chez Pont-à-Mousson-Saint-Gobain, à FUMEL, Lot-et-Garonne. Ma jeune femme et moi venons de perdre un enfant. Le temps de l’insouciance s’achève brutalement. Depuis longtemps, je sais que je veux devenir un artiste, sans avoir jamais rien entrepris pour que mon rêve se concrétise. Ce drame, sans doute, m’insuffle le désir urgent de raconter une histoire sous forme de tableaux monumentaux, intrigue que je situe dans les extraordinaires décors des ateliers de l’usine, avec ses fabuleuses machines, ses jets de métal en fusion, ses hommes carapaçonnés. Mais comment réaliser un tel projet ? Me vient alors l’idée que les fresques animées que j’imagine ne sont jamais que l’équivalent d’un art que je connais déjà : le cinéma. Alors, j’étudie comment sont fabriqués les films, pour voir et comprendre. J’ai mis le doigt dans l’engrenage. Je suis happé.

Je pourrais dire aussi que tout a commencé quatre ans plus tôt. Je suis interne au Collège Saint-Joseph de Sarlat. Jusque-là, je n’ai jamais été bon élève. Un cancre même. Cependant, j’ai une nouveau professeur de français que j’adore, Monsieur Duvernois. Ce passionnant pédagogue me fait aimer la littérature et la poésie du Moyen-Age. Je veux briller à ses yeux et deviens un de ses meilleurs sujets. Mais cela ne suffit pas. Une fois par semaine, nous planchons sur un long devoir surveillé et rapidement, dans le temps imparti, je compose à la fois mon devoir et celui de deux, voire de trois de mes camarades, ce qui m’oblige à changer de style, à développer de nouvelles idées pour chacun de ces exercices. J’obtiens à chaque fois les notes les plus élevées, sans que mon professeur ne s’aperçoive jamais de la tricherie, que j’exécute autant par jeu que pour lui plaire. Je deviens un des meilleurs éléments de ma classe. Ça ne durera pas, je déteste l’école. Je m’en enfuirai deux ans plus tard.

Ou bien tout commence en 1980. Je vis à Paris depuis plusieurs années. J’y occupe toutes sortes d’emplois pour subvenir aux besoins de ma famille – une nouvelle fille nous est née : homme de ménage, ouvrier, plongeur, serveur, cuisinier, gardien de nuit, et bien d’autres, tout en gardant chevillé au cœur ce rêve de cinéma. Deux ans plus tôt, j’ai rencontré un étudiant en cinéma à l’INSAS, à Bruxelles, qui est devenu un ami. On peut donc faire de cet art son métier. Je passe une équivalence du bac, le sésame pour reprendre des études. Tout en continuant mes petits boulots, je m’inscris dans une première école de cinéma, décevante, suis des cours à la fac, fais des stages de montage et de réalisation, me frotte à la mise en scène de théâtre et surtout, je vais au ciné tous les jours, où j’apprends comment d’autres ont raconté des histoires en images. Ma meilleure école.

1987, enfin le vrai début. Après deux ans de formation au CERIS, je suis diplômé en montage. Pas question de me lancer dans le cinéma, j’ai besoin de gagner ma vie : ce sera la télé. Je commence par M6 et FR3, où j’apprends mon nouveau métier en montant bandes annonces et reportages. Deux ans plus tard, me voici devenu un des chevau-légers d’un magazine naissant d’Antenne 2, Envoyé Spécial.  Très vite, je travaille pour des réalisateurs connus, Serge Moati, Yves Jeuland, Yamina Benguigui, Alexandre Arcady, Frédéric Mitterand, Juan-Luis Bunuel. On m’appelle, on me veut.

1992, je co-réalise avec le même Serge Moati un premier reportage pour Envoyé Spécial, suivi de la réalisation de quantité d’autre reportages, documentaires de création, films promotionnels et institutionnels, pour les principales chaînes de télévision hertzienne, des organismes institutionnels ou des sociétés privées. Je me spécialise dans le documentaire scientifique, travaille pour la Cité des Sciences, le CNRS, le ministère de la Recherche, obtient de nombreux prix dans ce nouveau domaine. Dans le même temps, j’écris et réalise plus de trois cent épisodes d’émissions de dessins animés pour la jeunesse – Ça cartoon, Décode pas Bunny, La bande à Dexter, Tazmania, Superbat -, et créé avec un collègue, en 2001, F3X, le choc des héros, un programme qui va dans son petit coin et durant sept saisons, écraser la concurrence.

Entre 2010 et 2012, j’exerce les fonctions de producteur artistique pour KAYENTA PRODUCTION, où je dirige le développement de projets de fiction, de programmes jeunesse, de magazines et de documentaires.

Nouveau tournant en 2013 : après m’y être longuement formé, me voici scénariste et directeur de collection des séries Petits secrets entre voisins, Une histoire, une urgence et Petits secrets en famille, soit plus de 120 épisodes de 26 minutes diffusés sur TF1 et ses satellites.

Une carrière bien remplie, avec néanmoins un arrière-goût d’inachevé. Car si depuis le début j’ai abordé ces travaux, aussi modestes soient-ils, avec la volonté de raconter à chaque fois des histoires singulières, tant sur le fond que sur la forme, tout en m’efforçant de toucher aussi bien le cœur que l’intelligence du « grand public », à qui ces productions s’adressaient, jamais je ne suis parvenu à imposer un seul de mes projet personnels. Pourtant, je suis un homme comblé, maintenant père de trois enfants et grand-père de deux petits-enfants, que j’aime. Mais toujours, j’ai travaillé à la commande, ce qui me laisse, concernant cette part créative de mon existence si essentielle à mes yeux, insatisfait et même malheureux.

C’est de cette frustration que naît en 2018 le désir de transformer un synopsis inabouti dont je suis l’auteur en roman, de passer de la dramaturgie et du récit en images au récit purement littéraire. Après 6 années d’apprentissage et de dur labeur, je finis enfin cet ouvrage, dont j’envoie le manuscrit aux Arts littéraires. Et, le 10 février 2025, tandis que je voyage en Inde, j’apprends que le jury du concours a distingué UN TRÉSOR NATIONAL, mon premier roman.

Autant dire que c’est ici que tout commence.

Après la cérémonie du 15 mars :

Sujet : Cette belle journée
Date : Sun, 16 Mar 2025 11:24:17
De : Jean-Marc Serelle
Pour : Maryse CARRIER

 

Bonjour Madame, 

Ce petit mot pour vous remercier, ainsi que toute l’équipe de l’association, de votre accueil et de votre bienveillance lors de cette remarquable après-midi de remise des prix. Tout était réussi  – les intermèdes musicaux, les présentations des lauréats et de leurs ouvrages, les deux courtes pièces de théâtre, l’exposition d’affiches et le dîner du soir, fort bon et fort sympathique. J’ai aussi pu confier mon manuscrit à l’éditrice de Humberd & Curlew, qui a eu l’air intéressée. Pour vous dire à quel point je quitte Toulouse plein d’espoir et d’énergie pour la suite ! Encore mille merci, donc, à chacune et chacun pour tout ce remarquable travail, si important pour nous et longue vie aux Arts littéraires ! 

Très cordialement. 

Jean-Marc Serelle 

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